La tentation du retour au subjectivisme, et ses conséquences.
Petit rappel anecdotique, mais représentatif.
C'est en amphi de psychologie que j'ai sursauté, en conférences de méthodes, commune aux spécialités représentées en Maîtrise : Le professeur de psychologie clinique invoquait la mécanique quantique en renfort d'une précaution méthodologique. Que la précaution qu'il enseignait fut judicieuse, n'est pas contestable. Qu'il invoque une science dure, en principe vouée à l'objectivité, pour nous mettre en garde contre les dangers de nos aveuglements à nos propres actions, aux messages subjectifs que nous délivrons à chaque fraction de seconde, voilà qui était une imposture héritée. En gros l'essentiel du grand public a subi plusieurs abus de confiance et des impostures de la part de l'enseignement, et la vulgarisation de la microphysique quantique en classe, en fac, et par les média en fait partie ; et le plus gros des professeurs de physique qui enseignent dans le secondaire, ont subi les mêmes abus de confiance eux aussi.
Représentatif des autres exploitations abusives.
Fridjof Capra, Trinh Xuan Thuan et Bernard d'Espagnat sont systématiquement appelés en renfort, par les vendeurs spiritualistes d'huile de serpent. Par Jean Staune bien sûr, par les autres propagandistes de l'Intelligent Design, par toute la mouvance New Age, semble-t-il. Ces trois physiciens là sont-ils des escrocs spéciaux ? Suffira-t-il de bannir et chasser ces trois boucs dans le désert, pour que la tribu se retrouve pure et virginale, débarrassée de tous péchés ? Même pas : ils n'ont fait qu'exploiter jusqu'au bout, une faute professionnelle vieille de 80 ans, standardisée et partagée par la totalité de la clique des vainqueurs du congrès Solvay de 1927. C'est en 1927 que se sont cristallisées, sous couleur de positivisme, et autour de la personnalité de Werner Heisenberg, la répudiation de l'objectivité des lois physiques, l'obsession de mettre l'observateur et sa subjectivité au centre de l'image, et de se mettre au centre du subjectivisme pour triompher de toute objectivité et de tout impersonnalisme en sciences dures.
Franco Selleri a remarquablement enquêté sur les aspects du conflit des générations qui a régné sur ce coup d'état de 1927. Mais il n'a pas mentionné l'intense proximité de la boucherie de 1914-1918. Alors que seule cette immense et injustifiable boucherie, sans aucun but de guerre qui fut d'économie ni de politique étrangère, avec pour unique objectif de guerre la volonté des classes possédantes de mater et massacrer leurs paysanneries et leurs classes ouvrières, est de taille à expliquer l'immensité de la répudiation générale de l'objectivité scientifique, et l'immense vague de subjectivisme barbare qui a envahi l'Europe alors. L'invasion de la physique aussi par ce subjectivisme égocentrique n'étant qu'un détail anecdotique dans l'horreur de l'histoire du 20e siècle. Bien que la modalité adoptée soit scientifiquement discutable, pour ne pas dire peu excusable, la motivation initiale mérite au moins de la compréhension : l'ascétisme d'objectivité de la science, était viscéralement perçu comme aussi inhumain et destructeur, que l'avaient été les mitrailleuses de la guerre de 14-18. Les survivants ont fait une sur-réaction d'individualisme, de revendication de leur instinct le plus animal, de barbarie revendicatrice. Quatre-vingts ans après, ce serait bien que nous fussions capables de nous affranchir de la barbarie de l'époque, au moins en microphysique.
Sur le plan de la théorisation physique, Selleri n'avait pas non plus la solution des paradoxes qu'il expose au lecteur.
Nous ne sommes plus dans cette situation fort frustrante.
Qui a tiré la sonnette d'alarme en premier ?
C'est encore et toujours Jacques Monod, qui dans sa spécialité la biologie, a su rappeler que le postulat fondateur de la science, est que la nature est objective à nous, et non subjective. C'est justement parce qu'ils sont vendeurs de subjectivité dirigée, que les camelots du spiritualisme cités ci-dessus, tirent à boulets rouge sur Jacques Monod. Comme des boussoles qui indiqueraient le Sud, comme Rantaplan qui fuit les Dalton au lieu de les pister, ils indiquent a contrario ce qu'ils voulaient cacher et supprimer.
Le positivisme : une confusion entre l'étage théorique général, et les théories particulières de l'instrumentation concrète.
Les biologistes n'ont pas subi le positivisme dur que nous physiciens subissons depuis Heisenberg. Dans toutes discussions avec des collègues physiciens ou apprentis physiciens, reviennent constamment la confusion entre les faits et les interprétations, l'obsession de maintenir l'observateur macroscopique au centre de l'image microphysique, et le remplacement des conditions concrètes et détaillées du dispositif expérimental par des slogans hâtifs et péremptoires, directement recopiés de la vulgate quantique. Il n'y a pas d'autres issues à la crise, que de séparer une physique objective, où les lois de la microphysique sont totalement découplées des intentions de l'observateur, et une physique de l'instrumentation, qui soit beaucoup plus fine et réaliste que ce qui en a tenu lieu tout du long du règne du copenhaguisme.
Rédaction en cours. A suivre.